En Allemagne, le travail en tandem à temps partiel, aussi appelé « jobsharing » est beaucoup plus répandu qu’en France.
Mais qu’est-ce que le jobsharing ? Ce sont deux collaborateurs qui exercent un poste en co-responsabilité et en remplacement mutuel, à différents taux de temps partiel ou même à temps plein en fonction des besoins de l’entreprise. Cette organisation du travail est particulièrement adaptée dans les contextes très dynamiques où l’activité est continue, comme dans le secteur de l’IT et de la cybersécurité.
Dans ce secteur, pas question d’être à temps partiel !
Culturellement, les salariés de l’high-tech ont toujours cumulé de longues heures de travail. Il y a déjà une dizaine d’années, deux études sur le sujet soulignaient que 73% des ingénieurs informatiques et plus de 50% des employés de l’IT travaillaient plus de 40 heures par semaine, et parfois plus de 50h sans compensation financière.
Depuis, la pénurie de profils qualifiés sur le marché du travail de l’IT incite les entreprises à trouver des solutions pour être les plus attractives, en jouant sur les salaires, mais aussi sur les conditions de travail. Parmi ces solutions : la formation, l’accès à des parcours de carrière, l’ouverture à une plus grande diversité de profils (féminisation, inclusion), l’accompagnement de reconversion, le télétravail, la flexibilité horaires et des congés supplémentaires.
Le jobsharing pourrait changer la donne.
Le jobsharing devrait rapidement trouver sa place dans ce panel de solutions attractives pour les salariés.
Cette formule en temps partiel présente en effet beaucoup d’avantages :
- Le principal étant d’offrir la possibilité de travailler à son rythme sur des postes très intenses, culturellement réservés aux personnes priorisant leur travail sur leur vie personnelle. Les deux salariés qui travaillent en jobshare se relaient sur un même poste. Cela permet à l’entreprise d’avoir une continuité de l’activité plus importante qu’avec une seule personne, car il y a toujours un salarié présent pendant les congés de l’autre. Et pour les salariés, il est enfin possible d’exercer leur métier à temps partiel. Par exemple, deux salariés à 60% chacun peuvent couvrir une année pleine (environ 260 jours pour 2 forfait jours réduits) tout en préservant du temps en commun pour la passation d’information et le travail de réflexion à deux cerveaux.
- Ce n’est pas plus cher pour l’entreprise car l’augmentation de la productivité, qui a été mesurée à 30%, couvre largement les 20% de coûts supplémentaires. D’autant plus que le travail en tandem apporte une plus grande créativité et une meilleure prise de décision grâce à la complémentarité de deux intelligences.
- Et pour les métiers de la cybersécurité, c’est l’assurance d’avoir continuellement un salarié compétent pour gérer l’activité. Ainsi, le tandem peut s’adapter en cas de coup dur, par exemple en doublant les forces lors des pics de charge ou en cas de maladie d’un des deux. D’ailleurs, une étude allemande a montré que la résistance au stress est bien meilleure en tandem (+64%).
Lukas, qui travaille en jobshare depuis 2020, témoigne : « L’étendu du savoir-faire et de l’expérience de deux personnes qui exercent une fonction en tandem est très large. Il est très peu probable de trouver une personne qui aurait le même niveau de compétences à un salaire abordable. De plus, la continuité de l’activité est automatiquement garantie grâce aux remplacements mutuels. Qu’il s’agisse de vacances ou de maladie, l’un d’entre nous est toujours là au cours d’une semaine. Même si l’un d’entre nous venait à quitter son emploi, le savoir-faire ne disparaîtrait pas du jour au lendemain, mais resterait dans l’entreprise. Il est également avantageux pour les employés qu’il y ait deux interlocuteurs différents. Nous recevons des commentaires très positifs de notre équipe à cet égard. »
- Permettre la résilience de l’organisation tout en préservant la qualité de vie au travail, la possibilité de déconnecter vraiment pendant son temps libre, voilà la promesse du jobsharing ! Mais ce n’est pas la seule. C’est aussi la promesse de pouvoir accéder à des postes intéressants pour toutes les personnes qui ne peuvent pas consacrer 100% de leur temps à leur travail, et qui ont pourtant des compétences recherchées sur le marché de l’emploi.
- C’est donc une promesse de carrière pour ces salariés et un levier d’attractivité encore inexploité par les entreprises. Cela permettrait de féminiser plus facilement les métiers de l’IT, puisque ce sont encore majoritairement les femmes qui prennent du temps partiel pour s’occuper de leur famille. Et cela faciliterait les formations-reconversions vers l’IT puisqu’il serait plus facile de former des binômes junior-senior, et permettre ainsi des transitions douces sur les postes.
- Enfin, c’est aussi une formule qui permet d’exercer une activité parallèlement au salariat, que ce soit une activité d’indépendant ou une passion artistique, sportive, bénévole…
Mais concrètement, comment faire pour trouver un binôme et travailler en tandem ?
Et quels sont les défis ?
Avant tout, il faut que les entreprises françaises s’approprient le concept et le proposent à leurs salariés.
A l’étranger, 30% des entreprises ont intégré le jobshare dans leurs politiques RH et certaines ont déjà plus de 10 ans de recul sur le travail en tandem. Ford a par exemple mis en place une plateforme interne pour faciliter le “matching” des binômes professionnels.
En suisse, où 4% de la population active travaille en jobsharing, l’association go-for-jobsharing publie des guides et témoignages pour promouvoir cette forme de travail. Enfin, en France, des initiatives ont été encouragées dans des entreprises comme Hewlett Packard ou SNCF.
Dans les entreprises ouvertes au jobsharing, les binômes se constituent soit de manière autonome via leur réseau, soit grâce à des actions mises en place spécifiquement (évènement speed-dating, plateforme de matching, suivi carrière…). Ils bénéficient généralement d’un coaching spécifique au démarrage, assuré par un cabinet de conseil spécialisé. En effet, pour être efficace dans une relation de collaboration très étroite, il y a quelques pré-requis à avoir et quelques bonnes pratiques à acquérir.
Pour que cela marche, il faut avoir un bon esprit d’équipe. La communication est clé au sein du tandem, il faut éviter les non-dits et être ouvert à la critique. Et une bonne capacité d’organisation est aussi nécessaire : le tandem doit pouvoir s’auto-gérer sur l’exécution des missions et la planification de son travail. Juridiquement, un avenant temps partiel est souvent suffisant pour passer en jobshare.
Et côté logistique, les outils digitaux modernes permettent désormais de travailler facilement de manière collaborative et partagée.
Pour que le jobsharing démarre vraiment en France, il faut donc accompagner les entreprises et les salariés intéressés, avec des méthodes qui ont fait leurs preuves.
C’est la raison d’être d’une jeune start-up, JobTandem, qui vient d’intégrer l’incubateur d’Euratechnologie.
Sa fondatrice, Myriam Loingeville, a travaillé pendant 3 ans en jobshare à SNCF sur un poste à fortes responsabilités et a noué des liens avec des acteurs majeurs du jobsharing à l’étranger. Passionnée par le modèle, elle propose désormais des actions de sensibilisation, de déploiement et de coaching tant pour les entreprises que pour les particuliers. Alors, convaincu par le travail en tandem ? Contactez-la : www.jobtandem.fr