L’esbrouffe est une pratique qui rencontre hélas beaucoup de succès en entreprise. Il ne s’agit pas de faire le travail demandé, mais de montrer qu’on le fait, ce qui est totalement différent. Et, cas particulier de la France, il faut montrer qu’on s’implique en restant tard le soir au boulot, sur Facebook si besoin. Il s’avère que ceux qui en usent sont souvent largement récompensés, ce qui a de graves conséquences pour l’organisation qui vont bien au-delà de ce qu’on peut imaginer. On voit lesquelles dans la suite.
Le profil typique de l' »esbrouffeur »
La personne qui pratique l’esbrouffe a généralement un profil récurrent. Il s’agit d’un(e) arriviste, qui n’hésite pas à s’attribuer les succès des autres, aucun scrupule, et surtout n’a aucun respect pour quiconque d’autre qu’elle-même, bref un vrai requin. Sa loyauté vis-à-vis de l’organisation qui l’emploie est toute relative, et elle est généralement totalement étrangère aux succès de l’entreprise, ce qui ne l’empêche pas de se les attribuer en le clamant haut et fort.
Parmi les comportements relevant de l’esbrouffe, on trouve notamment le cas du chef qui s’attribue à lui seul les succès de son équipe. On peut aussi trouver ce collègue qui partage une connaissance qu’il a trouvée sur Internet mais dont il ne cite pas la source. Les autres en concluront pendant un temps que c’est le super-collègue qui a fait la découverte et l’auréoleront d’un succès non mérité, avant de s’apercevoir de la supercherie. On trouve d’ailleurs souvent cette pratique sur Internet, j’en ai déjà moi-même été victime par rapport à cet article. Et vous pouvez vérifier que la personne va jusqu’à repomper des images sans vergogne chez quelqu’un qui lui cite ses sources… J’ai d’ailleurs laissé un commentaire sur le site de l’usurpateur, lequel n’a bien évidemment pas été publié, comme quoi…
Il s’avère pourtant que l' »esbrouffeur » est très souvent récompensé pour son action vis-à-vis de l’entreprise. Il peut se montrer très volontaire pour faire une tâche, quitte à la lâcher immédiatement et la refiler à quelqu’un d’autre, puis s’attribuer la réussite de celle-ci. Et à l’heure actuelle une personne très volontaire pour faire une tâche plaît beaucoup aux managers, même si la demande est stupide ou irréalisable. L’attitude lèche-botte fait évidemment partie de son arsenal, ce qui là encore fonctionne généralement bien. Et c’est ainsi que cet imposteur gagne promotions et augmentations indécentes, au détriment des autres, un vrai parasite en somme… Et ça a justement des conséquences très négatives pour l’organisation qui l’emploie.
Les effets négatifs à court terme
Bien évidemment le fait de récompenser indûment quelqu’un a un effet immédiat vis-à-vis des collègues de l' »esbrouffeur ». Certains d’entre eux ont en effet réellement travaillé d’arrache-pied et se voient confisquer par un parasite la récompense qui leur revenait pourtant légitimement. Pour donner une idée, ça revient tout simplement à leur faire un bras d’honneur et peut avoir des conséquences graves pour elles. Dans certains cas extrêmes des personnes ont ainsi été poussées au burn-out en raison de cette spoliation, cf. le livre Mon travail me tue.
Plus généralement les collègues qui ont vraiment travaillé sont légitimement frustrés et se désengagent alors progressivement de l’organisation. On peut l’observer de manière plus ou moins subtile à travers certains propos tenus, ou encore les horaires d’arrivée qui sont de plus en plus tardives alors que les départs se font toujours à la même heure. Ou encore si une urgence survient personne ne lèvera le petit doigt pour y remédier, sauf bien sûr l' »esbrouffeur ». Ce dernier échouera généralement à mener à bien la tâche, étant donné que cette fois il sera tout seul et que personne ne l’aidera. Il pourra aussi se contenter de dénigrer le travail des autres, sans pour autant remédier aux problèmes relevés car il n’en a pas nécessairement les compétences. Comme le dit l’adage on peut mentir une fois à mille personnes, mais pas mille fois à la même personne.
Les effets à moyen et long terme
À moyen et long terme la frustration des collègues de l' »esbrouffeur » ne pourra aller qu’en grandissant, ce qui dans le cas d’une équipe de développeurs est catastrophique. En effet ce sont généralement les développeurs spoliés qui ont la connaissance du projet, et ce seront les premiers à partir. Or un turn-over élevé a un impact fortement négatif sur la qualité d’un logiciel, qui finit de se voir par les clients. Le nombre de bugs augmente, l’application devient de plus en plus lente, et l’image de l’entreprise en pâtit. À long terme l' »esbrouffeur » se sentira lui-même en danger, normal c’est un parasite me direz-vous, et il finira par vous lâcher sans remords ce qui peut nuire à votre crédibilité en tant que manager.
Une autre conséquence est que l’ambiance en entreprise risque de fortement se dégrader. La frustration engendre des comportements de concurrence exacerbée, où certains n’hésitent pas à saboter le travail des autres pour se mettre en avant. L’avantage est que dans un tel cas en tant que collaborateur on peut rapidement savoir sur qui on peut compter… ou pas. Mais au plan de l’organisation c’est catastrophique car tout le monde devient le sniper de l’autre, et les gens passent leur temps à se protéger de leurs collègues au lieu de faire avancer le navire. On retrouve fréquemment ce phénomène dans les grandes entreprises, ce qui à terme peut leur nuire. Microsoft, avec sa politique de stack ranking, en a fait les frais. Eux qui étaient si puissants au début des années 2000 ne font plus peur à grand monde maintenant, suite à des erreurs stratégiques par rapport au virage Internet mais aussi parce que les meilleurs éléments de la société sont partis en partie à cause de la politique managériale qui y était menée.
En bref
Dans certaines entreprises la mise en valeur de l’esbrouffe est systématique, et j’aurais tendance à dire que ces organisations sont hélas irrécupérables à long terme. Maintenant il se peut qu’un manager honnête fasse l’erreur de récompenser un « esbrouffeur », ce qui devrait vite apparaître au vu de la réaction des collègues de la personne en question. Si cela devait arriver il est urgent d’éteindre l’incendie, déjà en récompensant de la même manière les collègues évoqués quels que soient les coûts engendrés, mais éventuellement aussi en se séparant de l' »esbrouffeur ». Quoi qu’il en soit il est important de tenir ce dernier à l’oeil, sous peine de se faire embobiner avec les conséquences catastrophiques évoquées ci-dessus. Et surtout il ne faut pas traîner dès lors que vous vous en rendez compte, car vous aurez créé malgré vous une situation totalement explosive.
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Julien
Moi c’est Julien, ingénieur en informatique avec quelques années d’expérience. Je suis tombé dans la marmite étant petit, mon père avait acheté un Apple – avant même ma naissance (oui ça date !). Et maintenant je me passionne essentiellement pour tout ce qui est du monde Java et du système, les OS open source en particulier.
Au quotidien, je suis devops, bref je fais du dév, je discute avec les opérationnels, et je fais du conseil auprès des clients.