La reconversion, quel que soit le domaine, est devenue un passage commun dans beaucoup de carrières. Les médias en ont fait un sujet d’actualité et le gouvernement a décidé d’investir fortement dans les formations.
Le métier de développeur est soudainement devenu populaire. Entre cette pénurie de développeurs, la popularisation des startups depuis le film « The Social Network » et l’image qu’on se fait des conditions de travail d’un développeur, le nombre de candidats à la reconversion vers le métier de développeur a été décuplé.
L’apogée des formations accélérées
Le concept de la formation accélérée en développement, appelée aussi bootcamp, a été importé des Etats-Unis où il a vu le jour en 2011. Adaptée à la sauce et aux financements français, la formation accélérée avait une proposition simple. En quelque mois, vous alliez apprendre plus de compétences fonctionnelles en programmation qu’en 4 ans d’études universitaires en informatique.
Au milieu des années 2010, le nombre de formations accélérées était encore raisonnable. Chaque organisme sortait entre 150 et 300 néo-développeurs par an, ce qui était raisonnable.
Pour la plupart, les bootcamps français ont su s’adapter à la législation locale pour bénéficier des financements publics. Le prix d’une formation, même s’il n’est que rarement payé plein pot par l’étudiant, s’élève entre 5 000 et 9 000€. Ainsi avec des promos entre 30 et 40 élèves et 3 à 6 promos par an, la rentabilité d’un bootcamp est suffisamment grande pour attirer de nombreux acteurs.
L’offre devenue inférieure à la demande
En 2020, à en croire l’institut public des Grandes Ecoles du Numérique, plus de 300 établissements proposent des formations en développement web. Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de reconvertis arrivent sur le marché de l’emploi. Avec à l’esprit, la conviction qu’ils sont opérationnels pour travailler dès leur sortie de formation.
1400 candidats qui s’inscrivent chaque mois depuis le déconfinement. Et on a clairement pas 1400 postes en face.
— Damien Cavaillès 💙 (@TheDamfr) November 23, 2020
Le No Code frappe de plein fouet les projets compatibles avec des devs juniors
Le succès des outils NoCode est également un facteur qui a heurté le marché de l’emploi des développeurs juniors.
Dans les années 2010, beaucoup de projets faisaient encore appel à des développeurs juniors pour voir le jour. Les startups et les agences web étaient de bons bassins d’emploi pour ces juniors qui pouvaient intervenir sur des sites vitrines, e-commerce ou contribuer à la conception d’un MVP pour une startup qui avait pu être financée à quelques centaines de milliers d’euros.
Aujourd’hui, le NoCode ayant progressé, ces projets sont réalisés sans l’intervention d’un développeur. Vous pouvez penser ce que vous voulez des outils nocode et de ses implications sur la qualité de l’application produite. Ils font le boulot plus rapidement et bien moins cher qu’un développement spécifique.
Grâce au NoCode, n’importe qui ayant une appétence tech peut produire un MVP. Les investisseurs ne veulent plus financer un premier tour d’investissement à quelques centaines de milliers d’euros pour que vous validiez votre MVP. Il faut que cette startup se débrouille pour mettre un produit sur le marché et valider son idée, donc moins de développeurs juniors. Même constat pour les agences web. Aujourd’hui de plus en plus de Freelances proposent des services en connectant Webflow avec Airtable. Ainsi ils peuvent produire une app fonctionnelle plus rapidement qu’un dev ne le pourrait. Les agences sont donc contraintes de suivre cette tendance.
Une phobie des juniors en entreprise ?
Ce phénomène est constaté par tout développeur ayant moins d’un an d’expérience. Très rapidement dans ses recherches, un développeur junior va se heurter à cette « fausse pénurie » où seuls les profils ayant plus de 3 ans d’expérience sont en demande.
Rester en sous-effectif plutôt que d’intégrer un junior
Le constat est le même en entreprise. Les équipes sont de moins en moins enclines à intégrer un junior à faire monter en compétences. Celles-ci sont certes à la recherche de développeurs confirmés où seniors, parfois depuis des mois, mais ne sont absolument pas stressées à l’idée de ne pas trouver.
Cela semble beaucoup moins risqué d’intégrer un développeur confirmé. Il montera en compétences plus rapidement sur la tech stack et les problématiques métiers de l’entreprise, que de mettre ses espoirs sur un junior.
L’entreprise a-t-elle un devoir de formation envers les juniors ?
La question pourrait se poser. Si les entreprises se disent en pénurie de profils seniors, n’ont-elles pas une responsabilité envers les juniors afin de leur donner une opportunité pour qu’ils puissent monter en compétences ?
Une entreprise est une entité économique qui a des objectifs qui ne sont pas ceux de la formation. Bien qu’on puisse penser qu’une entreprise a un devoir social envers la société dans laquelle elle opère. C’est un point de vue politique, aussi valable qu’un autre, mais qui n’aura aucun impact sur votre carrière où sur la situation des développeurs juniors en général.
Comment améliorer ses chances
Junior en année mais confirmé en compétences
C’est une évidence, une formation bootcamp, malgré ses promesses, ne vous donne pas les compétences requises pour être employable dès la sortie.
Pour améliorer vos chances d’intégrer une entreprise en tant que développeur, il va falloir continuer de monter en compétences et acquérir un bagage technique plus large.
Spécialisez votre apprentissage dans un langage et travaillez le plus en détail. Vous devez pouvoir coder dans votre langage sans devoir aller chercher dans la documentation toutes les 5 minutes comment faire une boucle sur un tableau d’objets.
Prenez le temps de progresser sur les notions d’ingénierie logicielle qui sont intemporelles et agnostiques à tout langage ou framework. Initiez-vous au design patterns, aux méthodes de refactoring et aux structures de données.
Mettez en avant vos softs skills et votre professionnalisme
Une des qualités qui est appréciée des reconvertis est leur professionnalisme. Vous avez déjà eu une ou plusieurs expériences de vie en entreprise. Aussi vous savez qu’il y a des horaires et une hiérarchie à respecter. Vous savez vivre avec vos collègues et accepter les fois où votre responsable doit vous recadrer.
Une fois le minimum technique validé, les softs skills sont les critères les plus importants dans l’embauche d’un développeur. Travaillez vos CVs et présentations pour que vous puissiez mettre en avant votre personnalité et ses atouts.
Acceptez que ça prenne du temps et que l’entreprise ne vous doive rien
En tant que développeur, votre plus grand ennemi est et sera toujours vous-même. Votre égo qui vous dit que vous devriez être déjà en poste, que vous devriez être meilleur que le voisin, que vous méritez ce salaire est celui qui vous pousse à prendre des décisions qui vont à l’encontre de votre intérêt.
Une reconversion est un processus coûteux financièrement et en termes de temps. Il faut que vous acceptiez d’y consacrer le temps nécessaire à votre apprentissage avant de mériter un poste. Il faut parfois accepter de devoir s’éloigner pour démarrer sa carrière de dev, avoir un premier poste en télétravail est une utopie.
Acceptez également que les entreprises ne vous doivent rien. Elles ont le droit de choisir de travailler avec qui elles souhaitent.
Hello,
Je ne peux que valider cet article, malheureusement.
La pénurie de dev annoncée est loin de tenir sa promesse.
Heureusement qu’il existe encore des entreprises qui laissent la chance aux débutants, et les aident à monter en compétences. Mais on est loin des annonces faites par les bootcamp.
Et, tu as mis 2x est dans
« C’est est un point de vue politique, »
A bientôt, je suis attentivement tes articles. Merci de toujours être réaliste et intéressant.
Merci à toi Seb !
Effectivement, il y a bien des entreprises qui embauchent des juniors, juste pas autant qu’on laisse croire.
À partir du moment où tu entends parler d’un eldorado, c’est qu’il n’existe déjà plus
Bravo et bel article !
Je me reconnais tout à fait : à la recherche d’un job en développement, avec une formation Epitech Code & Go validée avec une mention très bien et les félicitations, plus une année d’expérience en js, react, react-native et redux, la quête est longue !
Pourtant j’imaginais que ma double casquette métier et technique et mon expérience de PM serait un atout rapide !
Le marché enseigne la patience et l’humilité, mais donne aussi du courage et l’envie de passer les obstacles !
Merci beaucoup pour cet article pose la réalité du marché.