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C’est ce qu’indique une étude américaine publiée par Accenture et Girls Who Code l’an dernier (étude complète). L’enquête est très intéressante dans sa structure et dans sa façon d’aborder le sujet. On aurait sûrement fait un billet pour la relayer en temps normal, mais je ne suis pas content. J’ai découvert cet article sur Developpez.com, qui est un vieux tabloïd au CPM, mais la communauté de gros beaufs qui s’entretient dans la section commentaire m’a mis en colère. L’étude dénonce le Boy’s Club, eux, ils mettent 3 pièces dans la machine du Boy’s Club. C’est se tirer une balle dans le pied, je suis atterré. Alors on va relever le niveau du débat !

C’est plus facile de pointer du doigt, un problème qui est ailleurs

Je l’entends souvent, parfois naïvement : « Déjà à l’école d’ingé il y a moins de femmes ». Mais déjà en école d’ingé il y a un environnement peu inclusif : un corps pédagogique technique à 100% masculin, une ambiance boy’s club extrêmement forte, quelle est l’image que l’on veut véhiculer ?
L’enquête montre que dans la tech, le taux d’abandon ou de changement d’étude dans les collèges américains est de 38%, alors qu’il est de 30% en moyenne.

Et surtout elle montre qu’il y a vraiment deux types d’universités, celles qui sont inclusives et celles qui ne le sont pas. Et sur des critères précis :En français :

  • Voit un chemin clair entre les études et sa carrière
  • A le sentiment d’appartenance
  • A l’intention de chercher un rôle tech après l’université
  • Se sent à l’aise pour poser des questions
  • Se sent comme un étranger

Du coup, je deviens un peu fou quand, je vois les entreprises se dédouaner en accusant la formation initiale d’être discriminantes. C’est sûr que c’est plus facile que de régler le problème du Boyz club à la maison en premier.

En français :

  • Aime son job
  • A reçu une promotion
  • Probabilité d’avancement pour devenir manager
  • Les collègues assument qu’elles sont plus juniors
  • Ont été amenée à penser que le job n’est pas pour des « gens comme eux »
  • Ont entendu ou lu des remarques ou des commentaires inappropriés
  • Probabilité de quitter la tech

Bref, l’étude est vraiment intéressante, elle propose beaucoup de leviers d’actions. Elle montre aussi que cette action de rétention permet de lutter contre le turn-over et les problèmes de recrutement.

Pourquoi se donner du mal, si à la fin les meilleurs postes sont réservés aux hommes

Ce que montre cette étude c’est que l’une des principales motivations à changer d’industrie c’est que les postes de leaderships sont réservés aux hommes. En même temps il y a déjà beaucoup de chances pour qu’elles aient déjà quitté l’industrie avant d’avoir la séniorité nécessaire. Cela reste 2,5x plus dur pour elles d’obtenir les postes de CTO ou de CIO. Elles ne représentent que 18% des CTOs et CIOs sur le périmètre de l’étude, c’est-à-dire les États-unis. Qu’est-ce que j’aimerais que 18% des CTOs ou des DSIs en France soient des femmes. 🙏

Dans l’étude ils mentionnent des notamment des opportunités de réseauter dans l’entreprise qui soient plus inclusives. Par exemple, si le moyen de proposer une idée au CEO c’est uniquement de rester tard au bureau pour un afterwork, de venir à un petit-déjeuner ou un évènement sportif. Proposer des rituels plus inclusifs, pendant les horaires de travail permet à ceux qui ont d’autres engagements de se sentir inclus dans l’entreprise.

Si vous ne voyez pas le problème c’est que vous n’êtes pas un homme safe

Ça m’énerve de voir des hommes réagir dans le déni. Il y a des femmes qui se plaignent de harcèlement et ils se plaignent de plus pouvoir rien dire. C’est un manque d’empathie tellement profond. Il n’y a peut-être qu’un seul prédateur dans votre entreprise, mais il a emmerdé des dizaines de femmes et vous n’en savez rien.

Moi en tant qu’homme blanc junior, si je propose une idée aux architectes, on ne me répond jamais : « Sympa ton idée, j’aimerais bien qu’on aille dîner en tête-à-tête pour que tu m’en dises plus ». Non parce que ce n’est pas approprié, c’est hors sujet. Et ben ce n’est pas normal que cela soit arrivé à quasiment toutes nos consœurs. Et c’est normal dans ce contexte qu’elles n’aient pas envie de continuer dans nos métiers.

Mais comment ça se fait que vous ne sachiez pas qui est ce mec un poil trop relou (quand il n’a pas clairement fait le charo sur les numéros de tel dans l’active directory). La réponse est simple, parce que vous faites des blagues grasses à la machine à café avec ce mec. Donc forcément, aux yeux des victimes vous êtes au mieux un complice, au pire un prédateur du même acabit.

Alors ça me rend fou, quand je lis en commentaire, qu’il n’y aurait aucune barrière pour que les femmes viennent travailler dans la tech. Alors cela s’il ne s’agit pas de barrières à l’entrée, c’est juste qu’elles ne veulent pas manger à la même table que vous. Vous n’en êtes pas dignes, c’est tout 🤗

L’universalisme comme un moindre mal

C’est devenu une valeur quasiment républicaine de défendre l’universalisme. L’étude est clairement intersectionnaliste parce qu’elle parle des femmes de couleurs aussi bien que des femmes en général. Alors qu’est-ce que c’est l’universalisme ?

Par exemple, si votre entreprise se dit inclusive, et que je demande s’il y a des safes space. Vous me répondez que vous n’en avez pas besoin, parce que tout le monde peut s’exprimer dans l’espace mixte. C’est ça être universaliste.

Et ça ne me va pas c’est d’une part ignorer celleux qui ont pu être blessé.e.s avant et qui, même si votre entreprise est sincèrement bienveillante, ne pourront pas s’exprimer dans l’espace mixte. Et aussi parce que l’espace mixte c’est la zone de confort, et la zone de coercition du groupe dominant. Si votre espace de mixité est principalement de droite, vous verrez que ceux qui sont à gauche n’osent pas trop parler de politique.

Les espaces de conversation non-mixtes sont des garde-fous pour que les victimes puissent parler et se rendre compte que c’est bien pas normal ce comportement (parce que l’espace mixte peut donner l’impression, avec ses vannes grasses toute la journée que c’est normal).

Mais ensuite il faut des coupe-circuit pour s’assurer que les comportements incriminés seront bien condamnés. Aujourd’hui, ceux qui se comportent mal vont rester le plus souvent impunis. Il faut que les victimes et les lanceurs d’alertes puissent se tourner vers quelqu’un qu’elles vont trouver safe et avoir la garantie de ne pas être blâmées ensuite.

Certaines grandes boîtes garantissent que toute plainte déposée auprès des RHs fera l’objet d’une enquête conduite par un cabinet de conseil externe. Votre entreprise peut mettre un coupe-circuit adapté à sa structure et à sa taille.

Passez à l’action !

Qu’on soit bien d’accord, les hommes occupent l’espace de parole sur le sujet aujourd’hui. Alors si vous l’utilisez pour minimiser le problème c’est clairement que vous faites parti du problème. Et si vous ne dites rien, on ne sait pas, on imagine que vous n’êtes pas du bon côté. Alors prenez action, ce n’est pas compliqué de dire que Robert a déconné. C’est même pas très compliqué d’aller voir Robert et de lui dire qu’il a déconné. Dans l’espace Mixte, s’il y a 9 mecs, un prédateur et 8 qui ne disent rien, c’est sûr que le problème aura l’air généralisé. Alors que s’il y en a un ou deux qui prennent position contre c’est plus un problème de culture, mais un sujet que les RHs ou la direction auraient dû régler plus tôt.

Belle journée !

Damien Cavaillès

Auteur Damien Cavaillès

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