On a beaucoup parlé ensemble suite à mon dernier article C’est quoi un COC ou Code Of Conduct et pourquoi c’est important ?
On a parlé sur l’Antenne Libre, on a parlé en tête-à-tête (beaucoup de conversations sur le Discord ou sur Twitter), on a parlé sur ClubHouse aussi.
Et je me rends compte que la mise en application du Code Of Conduct pose beaucoup plus problème que le document en soi. Alors, je vous écris cet article, mais cette fois je ne suis pas contrarié comme la semaine dernière. J’ai plus envie de partager mon vécu, mes expériences, ce que j’ai vu et ce qu’on m’a partagé.
C’est plus simple si je vous raconte mon histoire en premier ? Comme ça, vous pouvez prendre du recul, sur mes propos.
Entre 2013 et 2016 j’ai fait plus de 50 Startup Weekend. J’étais sorti tous les week-ends. Mon kiff, c’est de faire 8h de train le vendredi pour arriver à Chateauroux ou à Saint-Lô le soir. Ensuite, je suis hors du temps pendant 54h. Maintenant avec WeLoveDevs, j’ai un peu moins le temps.
Les Organisateurs et le Facilitateur de Startup Weekend sont des bénévoles qui veulent réunir au même endroit des gens qui veulent que l’on créée des entreprises. Le but, c’est de rassembler les 70 acteurs de l’accompagnement local et de faire en sorte que ceux qui sont au boulot toute la semaine se trouvent dans un entre-deux où tout le monde est là. On gagne du temps sur le rallye de l’entrepreneur qui fait 40 rendez-vous avant de commencer à bosser. Et surtout on met dans la même salle que des gens qui veulent créer, c’est un momentum. On créée ce que les américains appellent la « Vibrancy« . En Français je dirais, une « mise en résonance ».
On crée une forme de tension artificielle pour que les participants ressentent de l’adrénaline. Cette adrénaline va rendre fade leur vie d’avant et le Lundi, ils n’auront qu’une seule obsession : recommencer à créer. Et surtout ils sauront qu’ils peuvent. En tout cas c’est ce que j’ai vécu.
Le vendredi soir, chacun, chacune peut pitcher, présenter une idée. Elle rassemblera autour d’elle les participants qui veulent contribuer à cette idée. Mais attention, il y a une règle. Tout le monde doit être entrepreneur. Donc si une idée est trop travaillée, les participants ne pourront pas se l’approprier, et le groupe ne sera pas formé.
Dans le groupe la tension artificielle peut devenir forte et des gens peuvent avoir une mauvaise expérience. Quand tu es Facilitateur, tu es en dehors de l’organisation : tu n’es pas là pour la logistique, tu es là pour que les participants passent tous un bon moment.
Ma posture c’est d’être un étendard de bienveillance. En fait, je me mets au milieu du groupe et je ne participe pas. Je joue à Civ’ sur ma machine ou un truc dans le genre. Si quelqu’un est tendu, il va s’énerver sur moi très rapidement et je vais désamorcer la situation. Dans le cas où l’on essaie de me faire participer, je serais sympa et j’essaierai de faire rebondir sur une autre personne du groupe. Un participant veut prendre du temps pour discuter en tête à tête, je le prends.
Il y a eu trois moments où les choses ont changé pour moi.
Le premier événement où j’ai participé était à Lyon. Les organisateurs avaient fait venir des États-Unis la fondatrice du mouvement pour qu’elle puisse l’incarner. Et j’étais venu l’épauler parce qu’elle ne parlait pas Français. Elle était la Rockstar et j’étais l’assistant, le terrain. En vrai, elle a eu à gérer un Jetlag super violent donc y’avait pas que la langue qui pose problème. Et la juniorité suffisait à justifier que je sois assistant. J’avais 24 ans, c’était une « senior american corporate ». Ça s’est très bien passé.
Elle a expliqué qu’elle s’était rendu compte, que même si elle est courageuse, qu’il est plus difficile de prendre la parole sur une table quand on est une femme face à 9 hommes. Et qu’elle se disait que le monde serait meilleur si ce n’était pas comme ça. C’était le début des prises parole d’Emma Watson, de HeForShe ; elle parlait de « Flip the Ratio » et Bernabé l’utilisait en hashtag sur Twitter. D’ailleurs Bernabé, je crois que c’est historiquement le premier mec safe dans la tech. J’ai l’impression qu’il l’était déjà il y a plusieurs milliers d’années. (SO)
Sur le moment, je n’ai pas forcément compris, mais le soir là les pitchs étaient bien. D’habitude c’est toujours le même public et les mêmes idées sur un Startup Weekend. Mais là on a eu une quarantaine de pitch que je n’avais pas eu. À l’époque, les boîtes comme Joone n’existaient pas. L’entrepreneuriat féminin était inexistant, une quantité de problèmes étaient non-adressés et il en reste encore beaucoup. J’ai trouvé ça trop bien (là, à la suite, on dirait que tu dis que c’est cool que c’était inexitant) 🙂
Il y a eu un deuxième Startup Weekend Women Edition, mais à Paris. Il était plus petit, parce qu’à Paris c’est compliqué d’avoir des grands lieux le week-end. Et du coup le Ratio était vraiment inversé. J’avais proposé aux organisatrices de venir mettre des bras en tant que bénévole le dimanche soir, et elles avaient accepté ma présence 🙏. Et c’est moi qui était mal à l’aise. Parce que j’étais le 1 sur 10.
D’ailleurs, ils avaient invité au Jury que des femmes et du coup une personnalité de Blablacar, qui je crois était Directrice Générale (?), et qui avait posé le buffet avec moi. C’était l’invitée, mais elle ne pouvait pas s’empêcher d’être utile, serviable et sympa 😀. (Saurez-vous retrouver cette personnalité ? Google n’a pas aidé ma mémoire défaillante !)
Et c’est sur cet événement que j’ai compris c’était quoi être le 1 parmi 10. Être une petite souris dans une safe place.
Techstars gagne de l’argent, mais pas Startup Weekend. Les deux boîtes partagent un même emplacement avec leurs cores-teams à Seattle, dans un lieu appelé Startup Hall. Les staffs sont très alignés en termes de valeur et de mission. Techstars parle d’Ecosystème et SW parle de communautés. Telles des bactéries, la plus gourmande a macrophagé l’autre.
Techstars a changé Startup Weekend et en a fait quelque chose de plus inclusif. Ils ont ajouté sur les slides une couverture « This place is Safe ». Et j’ai pris l’habitude de rappeler aux gens en début d’évènement que l’opinion de chacun est important et qu’il faut qu’on joue tous le jeu. Que d’une part tout le monde doit se sentir à l’aise pour s’exprimer. Et que ça marche encore mieux si chacun fait attention à ce que tout le monde s’exprime.
Et ça a tout changé. Parce qu’avant j’essayais d’attirer la personne problème (j’ai pas compris). Je me tenais droit devant elle et je disais « là tu mets les gens mal à l’aise et il faut que tu partes ». Et à partir de là, j’ai fait attention à chacun. J’étais dans une posture beaucoup plus empathique, à l’écoute, apprenante.
« If you see something, say something ». C’est que Techstars a fait inscrire sur les slides du Facilitateur Startup Weekend, avec un e-mail de reporting. La garantie qu’une enquête interne sera menée pour tout signalement effectué. Aucun comportement déplacé ne restera impuni. Twilio Signal a une hotline robotisée, un SVI, c’est ce que m’a expliqué Clément Sauvage.
Jack Bauer ne négocie pas avec les terroristes. Il n’y a pas de zone claire s’il y a du flou. Soit un lieu est safe soit il ne l’est pas.
Est-ce que l’on peut séparer l’homme de l’artiste ? Est-ce que l’on peut séparer l’organisateur du DevFest ? (Disclaimer : le devfest peut se séparer de l’homme en tout cas)
Cela implique que le COC s’applique à tous, et pas uniquement aux speakers, il s’applique à tous.
C’est important de laisser à l’entrée de l’évènement le monde extérieur. Le monde extérieur est flou. Ici c’est clair. La COC ne change rien pour la majorité des gens. Mais il change tout pour les autres. Et si on n’explique pas clairement que le 1 parmi 10 n’a pas de raison de se sentir mal ici on n’a rien changé.
La soirée speaker la veille fait partie de l’évènement. Les 10 conférenciers au bistrot à côté de la conférence c’est aussi la conférence. Le Slack à côté de l’évènement ce sont toujours les mêmes gens.
Si la veille tu es malveillant envers un autre conférencier, comment est-ce que tu veux qu’il se sente à l’aise le lendemain ?
C’est impossible d’avoir été une personne safe toute sa vie. C’est bien de le reconnaître, c’est encore mieux de s’excuser. Tant qu’on ne s’est pas excusé, on ne peut pas contribuer à rendre le lieu plus safe. Oui même moi je me suis excusé.
S’excuser ça sert à dire que l’on n’assume pas ce comportement. Parce que si la personne t’as vu 15 min de ta vie où t’es nul, elle ne peut pas imaginer que le reste du temps tu sois bien. Et elle ne peut pas imaginer que la prochaine fois, tu te comporteras bien. Alors c’est bien de dire « Oups, effectivement je ne me suis pas bien comporté. Je m’excuse ». Et on peut espérer repartir sur de bonnes bases.
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