Se présenter comme expert, une bien mauvaise idée

Après quelques années de bouteille il peut être tentant pour quelqu’un de se présenter comme expert dans son domaine. Sauf rares exceptions, c’est une erreur. Alors bien sûr Linus Torvalds est expert Linux, et James Gosling expert Java, mais pour un individu comme vous et moi c’est largement présomptueux. Explications.

Confiance en soi et incompétence vont de pair

Assez curieusement, il apparaît d’après les gens qui ont le plus confiance en leurs capacités sont généralement les plus incompétents. C’est l’effet Dunning-Kruger. Et au travail on l’observe assez vite car ces personnes auront tendance à se mettre en avant, s’attribuer des réussites dont elles ne sont que peu ou pas responsables, bref faire de l’esbrouffe.

Sauf que régulièrement ces individus se font démasquer. J’ai ainsi eu un collègue qui prétendait ni plus ni moins avoir fait pour la communauté des analyses de performances sur un composant d’une solution open source fort connue. De telles analyses donnent généralement lieu à des publications qu’on retrouve sur Internet. Problème, après recherches, je n’ai pas trouvé la moindre trace de ces publications, et la personne ne parle même pas de ces analyses de performances sur son profil LinkedIn. Et quand on écoutait la personne on avait pratiquement l’impression qu’elle avait créé l’informatique à elle toute seule, même si là je force le trait.

Dans la même veine, les personnes qui se présentent comme expertes ont souvent tendance à dénigrer le travail des autres. Si la critique est constructive avec une vraie solution à la problématique donnée pourquoi pas, mais c’est rarement le cas. D’autre part ces pseudo-experts feront en sorte de ne jamais s’exposer, critiqueront en disant que les autres ne savent pas faire, mais ne feront pas eux-mêmes non plus. Autrement dit ce sont des incompétents toxiques.

Une attitude risquée en entretien, particulièrement en entretien technique

Quelqu’un se présentant comme expert aura souvent tendance à être arrogant vis-à-vis de son interlocuteur, voire méprisant. Vis-à-vis d’une personne RH ceci peut être éliminatoire, mais vis-à-vis de quelqu’un de technique ça peut être encore pire. En effet s’il y a bien une chose qui énerve particulièrement les gens vraiment bons techniquement, ce sont les gens qui se présentent comme experts alors que dans 99,9% des cas ils ne le sont pas. En ce qui me concerne face à une personne se présentant comme expert Java je lui poserai probablement le problème suivant : soit le programme ci-dessous, quelles sont les valeurs pouvant être affichées pour a et pourquoi ?


public class ClassA {

   private static volatile long a = 0L;

   private final static class InnerClass implements Runnable {
      private long value;

      public InnerClass(final long val) {
         this.value = val;
      }

      public void run() {
         for (int i = 0; i < 100; i++) {
            a = value;
            System.out.println(a);
         }
      }
   }

   public static void main(final String[] args) {
      new Thread(new InnerClass(5L)).start();
      new Thread(new InnerClass(Long.MAX_VALUE)).start();
   }
}

La réponse naïve est clairement 5 et Long.MAX_VALUE. La vraie réponse est que ça dépend, car d’après la spécification Java les assignations de valeurs long en volatile ne sont pas thread-safe. Dans les faits elles peuvent l’être, ou pas, mais compte-tenu de la nature multi-plateforme de Java elles ne doivent pas être considérées comme l’étant. Et si vous voulez savoir plus précisément pourquoi je vous invite à lire le livre Understanding the Linux Kernel qui certes date un peu mais est fort intéressant. Hint : ça a notamment trait au matériel. Je ne donnerai pas l’explication en détail car je peux être amené à poser la question en entretien. 😉

Présenter quelqu’un comme expert : l’apanage des commerciaux de SSII

Je ne sais si vous avez déjà eu la chance de passer des entretiens soit en tant que consultant de SSII avec un commercial, soit comme recruteur. Bien souvent le commercial n’hésitera pas à présenter comme expert son poulain, même si celui-ci a pour toute expérience un tutoriel de deux heures sur developpez.com. Et en général comme le client n’est pas dupe et le pauvre consultant se fait démonter à l’entretien. Je me souviens ainsi d' »experts Hibernate » de SSII qui ne connaissaient pas la différence entre lazy et eager, et en toute honnêteté je les plains d’avoir été présentés comme experts.

Mais bon le comportement reptilien de nombreux commerciaux de SSII fait qu’ils se disent tous que comme ça ils pourront vendre leurs consultants plus chers, et que le client ne verra rien. Ça peut fonctionner avec les acheteurs côté client, mais comme ce ne sont pas les seuls à décider de prendre un prestataire en général ça ne fonctionne pas. Et puis bon, vendre un « expert » avec un TJ inférieur à 500 euros, même en région, ce n’est pas vraiment crédible. Bref la principale victime de tout ça est bien évidemment le consultant qui n’a rien demandé à personne, et se retrouvera à payer l’échec du commercial ou la frustration du client. Et des fois ça peut conduire à des drames.

En bref

Se présenter comme expert est généralement présomptueux, et en fait ce sont surtout les commerciaux de SSII qui aiment bien présenter quelqu’un comme tel, même si leur poulain n’a que deux heures d’expérience sur une techno. Avez-vous envie de faire comme eux ?

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Julien
Moi c’est Julien, ingénieur en informatique avec quelques années d’expérience. Je suis tombé dans la marmite étant petit, mon père avait acheté un Apple – avant même ma naissance (oui ça date !). Et maintenant je me passionne essentiellement pour tout ce qui est du monde Java et du système, les OS open source en particulier.

Au quotidien, je suis devops, bref je fais du dév, je discute avec les opérationnels, et je fais du conseil auprès des clients.

Son Twitter Son LinkedIn

 

gojul

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