La place des femmes dans la tech : entre avancées et défis persistants

Introduction

Le secteur de la tech est souvent perçu comme un domaine masculin, et pourtant les femmes y ont joué un rôle crucial depuis ses débuts. De Grace Hopper, pionnière du langage de programmation, aux nombreuses ingénieures qui ont contribué à l’essor de l’informatique, l’histoire prouve que les femmes ont toujours eu leurs places dans ce domaine. Cependant, en 2024, elles ne représentent encore qu’environ 17% des effectifs des métiers techniques en France. 

Pourquoi cette sous-représentation ? Quels sont les freins et opportunités pour les femmes dans la tech aujourd’hui ?

📊 État des lieux

Si les femmes ont toujours joué un rôle clé dans l’histoire de l’informatique, elles restent encore aujourd’hui sous-représentées dans le secteur de la tech en France.  

La situation ces dernières années et les défis

Les inégalités salariales et les stéréotypes restent des problématiques majeures pour les femmes dans le monde du travail. Selon plusieurs études, dont celle de l’observatoire des inégalités ; en moyenne, les femmes gagnent 24 % de moins que les hommes. À temps de travail équivalent, elles touchent 15 % de moins que les hommes.

Concernant les femmes dans le domaine de la tech ; ces dernières années, les effectifs numériques ont vu une progression, certes timide, mais réelle. Dans les métiers tech, le pourcentage des femmes restent encore trop mince. Selon le baromètre Gender Scan 2023, les femmes représentaient 17 % des métiers techniques en France. Un chiffre équivalent d’une augmentation de seulement +1 point en cinq ans. 

Dans certains domaines spécifiques, la présence féminine est encore plus faible :

• Développement logiciel : 12 à 15% de femmes
• Cybersécurité : 14% en 2023, contre 11% en 2021
• Intelligence artificielle et data science : 22% des effectifs
• DevOps et Cloud : 10% à 12% selon les estimations des entreprises du secteur

Un secteur qui attire de plus en plus de femmes en reconversion

Nous pouvons également observer que ces dernières années, il y a une augmentation des femmes en reconversion professionnelle dans la tech. De nombreuses femmes intègrent la tech après une première carrière dans un autre domaine. Contrairement aux hommes, dont la majorité suit un cursus académique classique en informatique.  

Selon une étude menée par France Travail en 2022, près de 45 % des femmes qui se forment aux métiers du numérique sont en reconversion, contre seulement 25 % des hommes. Il y a plusieurs raisons concernant cette mutation  : 

• Une volonté de changer de carrière pour un secteur plus porteur
• Une prise de conscience tardive de leur attrait pour la tech. (Souvent freinée à l’école par des stéréotypes de genre)
• L’essor des formations accélérées (bootcamps, simplon, Aston, Web Force 3, 3W academy)  qui offrent une nouvelle porte d’entrée vers ces métiers.

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L’attrait de ces formations s’explique notamment par leur format court et professionnalisant, permettant aux femmes d’intégrer rapidement le marché du travail, souvent avec une spécialisation en développement web, data ou product management. 

D’ailleurs, certaines écoles et formations ont vu une augmentation notable du nombre de femmes inscrites, comme Ada Tech School, une école dédiée aux femmes et minorités dans le développement. Ou encore le Wagon ; 35% des inscrits en 2023 étaient des femmes, contre 25 % en 2018.

Nous pouvons prendre un autre exemple dû a cette reconversion, qui est l’attraction et la flexibilité qu’offrent les métiers tech (comme le télétravail). Permettant de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle. Cette autonomie, dans l’organisation de leur temps, est précieuse pour celles qui jonglent avec des responsabilités familiales ou d’autres engagements.

 

Les profils types

Le parcours des femmes dans la tech suit fréquemment des trajectoires particulières. Mais qui sont-elles ? 

En moyenne, elles ont entre 28 et 35 ans au moment de leur transition vers un métier technique, souvent après une première carrière. Plus de 50 % d’entre elles n’ont pas suivi un cursus informatique classique et se forment via des bootcamps, des formations en ligne ou des écoles spécialisées, d’après Women in Tech en 2023. Elles se dirigent majoritairement vers des métiers en forte demande tels que le développement web, la data science, l’UX/UI design ou la cybersécurité. Pour quelle raison ? Car leurs compétences (analyse, gestion de projet, créativité) sont particulièrement valorisées. 

Laura Durieux, plus connue sous le pseudonyme « Devgirl », est une développeuse passionnée depuis de nombreuses années. Son intérêt pour la technologie et la programmation s’est éveillé très tôt, dès l’âge de six ans, lorsqu’elle a commencé à utiliser un ordinateur. Pourtant, son parcours universitaire s’est déroulé dans un environnement peu accueillant pour les femmes, avec seulement 6 étudiantes sur 100 dans sa promotion.

Elle rappelle que « L’informatique était un métier de femme à la base. Ce n’est qu’à partir des années 80 qu’il y a eu une déchirure. »

Malgré son expertise, elle a été confrontée à des remarques sexistes qui illustrent les obstacles encore présents dans le milieu : « Recevoir des messages comme ‘Une meuf qui code ?’ montre pourquoi certaines n’osent pas se lancer. »

Malgré leurs motivations portées par de meilleures opportunités professionnelles, plus de flexibilité ou encore le sens du challenge. Elles doivent encore faire face à des freins ; comme le syndrome de l’imposteur, le manque de modèles féminins, les stéréotypes et des biais à l’embauche. Malgré ces obstacles, l’augmentation des initiatives pour l’inclusion des femmes dans la tech favorise une intégration progressive et encourageante. 

 

Secteurs et métiers contenant le plus de femmes dans la tech

« Le nombre de femmes en reconversion est impressionnant. Il faut juste aller les chercher.» – Laura

Si les femmes sont sous-représentées dans les métiers techniques, il existe certains domaines qui attirent davantage de profils féminins : 

1. Data Science & Intelligence Artificielle (22% de femmes)

La Data Science repose sur des compétences en mathématiques, en statistiques et en analyse, des disciplines où l’on retrouve davantage de femmes que dans l’ingénierie pure. Ce phénomène s’explique en partie par des choix d’orientation influencés dès le plus jeune âge : les filles sont souvent encouragées à exceller dans des matières « structurées » comme les maths, mais rarement poussées vers des applications concrètes en ingénierie ou en programmation.

2. Product Management (30% de femmes)

Le Product Management mêle stratégie, gestion et collaboration entre différentes équipes, et c’est précisément ce type de rôle qui est souvent considéré comme « naturel » pour les femmes dans un cadre professionnel. Dès l’enfance, les filles sont encouragées à développer des compétences en communication, en organisation et en gestion de relations interpersonnelles, ce qui les oriente inconsciemment vers des métiers perçus comme plus « relationnels » et « transversaux ». Ce n’est pas une question d’affinité mais bien d’une construction sociale qui associe leadership féminin à des postures de coordination et non de spécialisation technique pure.

3. UX/UI Design (40% de femmes)

L’UX/UI Design est l’un des domaines les plus féminisés de la tech, mais cela ne découle pas d’une simple affinité pour l’ergonomie ou l’esthétique. Depuis l’enfance, les filles sont plus souvent encouragées à développer de l’empathie, à se soucier du bien-être des autres et à valoriser des métiers où l’on “prend soin” (santé, éducation, communication). L’UX/UI, qui repose sur l’expérience utilisateur et la compréhension des besoins humains, correspond ainsi aux injonctions sociales qui pèsent sur les femmes. Pourtant, cela ne signifie pas qu’elles ne seraient pas légitimes ailleurs dans la tech : au contraire, ces biais les cantonnent à certains rôles alors qu’elles pourraient exceller tout autant dans d’autres 

 

En clair, la répartition des femmes dans ces domaines de la tech ne résulte pas d’une « préférence naturelle », mais plus d’une construction sociale et de stéréotype profondément ancrés. Pour changer cette dynamique, il est essentiel de déconstruire ces biais et de créer des environnements où chaque personne, indépendamment de son genre, peut s’épanouir dans la tech. 

📈 Perspectives d’évolution

« Ce n’est pas qu’on est une minorité, on est minorisées et invisibilisées. » – Laura Durieux 

Des initiatives pour favoriser la mixité dans la tech

La place des femmes dans la tech évolue positivement grâce à diverses initiatives. Des organisations telles que Women in Tech et Girls Who Code offrent des programmes de mentorat, des ateliers et des événements pour soutenir les femmes dans le secteur technologique. 

Caroline, recruteuse tech depuis 12 ans et CEO de The Allyance, est également cofondatrice de Women in Machine Learning & Data Science Paris, une association créée en 2017 pour mettre en lumière les femmes et les personnes non-binaires dans l’intelligence artificielle. À l’époque où elle travaillait chez Criteo, elle a ressenti un malaise par rapport à son métier de recruteuse, qu’elle trouvait insuffisamment valorisé après des études à Sciences Po. Mais en analysant les statistiques, un constat frappant s’est imposé : seulement 20 à 30 % des participants aux conférences en IA étaient des femmes, et elles étaient encore moins nombreuses parmi les candidatures qu’elle recevait. « Je voulais agir pour changer cela », explique-t-elle.

Les retours pour ce genre d’évènements est en grande partie positif, d’après Caroline :

” Pour les femmes ; nous avons vu une évolution : au début, il était difficile de trouver des intervenantes, mais maintenant, elles se portent volontaires. Cela leur permet de valoriser leurs compétences et de se rendre visibles sur le marché du travail.
Pour les hommes  Beaucoup d’hommes viennent nous dire qu’ils découvrent ce que c’est d’être en minorité dans un événement technique. Ce retour est souvent accompagné d’une prise de conscience sur leur posture au travail.”

Quelques autres solutions 💡

Parallèlement, des entreprises adoptent des politiques inclusives, telles que des formations anti-biais et des recrutements ciblés, pour encourager la diversité. Le pacte de parité pour les femmes dans la tech incite les entreprises à s’engager concrètement en faveur de la mixité.

Les formations accélérées, comme les bootcamps et les écoles spécialisées, offrent des opportunités aux femmes, notamment celles en reconversion professionnelle. Des structures telles que Ada Tech School et Le Wagon proposent des programmes adaptés, avec une augmentation notable de la participation féminine ces dernières années.

Pour que les femmes trouvent pleinement leur place dans la tech, il est essentiel d’agir à plusieurs niveaux, notamment en favorisant la mixité dès l’éducation. Sensibiliser les jeunes filles aux carrières technologiques doit commencer dès l’école afin d’éviter que des étudiantes comme Laura ne se retrouvent confrontées à des situations inconfortables : « Quand tu arrives dans un amphi rempli d’hommes et que toutes les têtes se tournent vers toi, ça te met mal à l’aise. »

Des initiatives comme Girls Who Code ou Le Club des Développeuses œuvrent dans ce sens en organisant des ateliers et des hackathons dédiés aux filles pour les aider à prendre confiance en leurs compétences techniques.

Une autre solution serait d’augmenter la visibilité des modèles féminins 

Il est essentiel de créer des rôles modèles inspirants pour les jeunes générations. Mettre en avant des femmes leaders dans la tech, qu’il s’agisse d’ingénieures, de développeuses ou de dirigeantes d’entreprises, peut inciter les jeunes filles à s’engager dans ces métiers. Des conférences, des podcasts, ainsi que des initiatives comme Women in Tech ou Women in machine learning & data science Paris permettent de donner une visibilité à ces figures féminines. 

D’autres programmes jouent également un rôle clé dans la promotion de l’inclusion des femmes dans le numérique. Numérique pour elles propose des ressources, des témoignages et des actions concrètes pour encourager leur engagement dans la tech. De son côté, MotivHer est une communauté et une plateforme dédiée à l’empowerment des femmes dans la tech et l’entrepreneuriat, offrant mentorat, ressources et opportunités pour accélérer leur carrière.

💡 D’ailleurs si vous voulez en savoir davantage nous avons interviewer Hekvira de MotivHer, c’est juste ICI

Mais un élément très important est de poursuivre la lutte contre les biais à l’embauche et dans les promotions :
Ill est impératif que les entreprises mettent en place des formations anti-biais et des processus de recrutement transparents. Mettre en place des grilles de recrutement objectives et des politiques de promotion inclusives est essentiel pour garantir l’égalité des chances. Cela permet aux femmes d’avoir les mêmes opportunités d’évolution que leurs collègues masculins. Des initiatives comme la charte de la parité numérique ont déjà prouvé leur efficacité en encourageant les entreprises à s’engager pour plus d’égalité.

En combinant ces efforts à l’échelle individuelle, collective et organisationnelle, il est possible de transformer durablement la place des femmes dans le secteur de la tech et de rendre ce domaine plus équitable, plus diversifié et plus innovant. 📢