De la banalisation du machisme et du patriarcat dans l’entreprise et la société.
J’avais publié cet article sur Medium en réaction aux réactions d’un ramdam autour de l’article de Kayla.
Aujourd’hui, il y a une affaire d’une ampleur différente, mais toute aussi grave autour d’Ubisoft.
Et je tenais à republier l’article ici. Parce que c’est une posture que j’assume en tant que représentant de WeLoveDevs, ce n’est pas du tout dissocié !
D’ailleurs, je tiens à dire que c’est très dur. Ça m’est arrivé encore en rendez-vous commercial et j’ai manqué de courage pour réagir. Du coup, j’ai appelé cette personne et je me suis excusé. Je lui ai demandé comment elle se sentait. Je lui ai confirmé que ce n’était pas normal, et que si la prochaine fois elle voulait le faire remarquer, je la soutiendrai spontanément.
N’hésitez pas à m’envoyer un email (damien chez welovedevs.com) ou un DM (@thedamfr) si vous voulez parler du sujet.
Damien
Retrouvez l’article original publié sur Medium
En fait ce qui me fait réagir ce sont les réactions autour de l’article de Kayla Roark : Not Okay.
Il y a beaucoup trop d’hommes qui commentent comme si c’était un fait divers, une anomalie, un cas particulier. Mais c’est pas du tout le cas.
Je suis convaincu que toutes les femmes que j’ai écouté, dans la tech, dans les ESNs, dans le numérique ont au moins une histoire sale à raconter. Et parfois ça va beaucoup plus loin qu’un SMS. Aussi parce que l’abus de position dominante est plus fort.
Imaginez une créatrice d’entreprise qui va chercher ses premiers fonds et rencontre une première rafale de 40/50 angels/invest. Y’en aura peut-être qu’un sur cent qui va faire une proposition ambigüe et c’est déjà pas normal et traumatisant. Imaginez une jeune presta, jeune diplômée qui arrive chez son premier client après cinq années d’études d’ingénieur. Son client, c’est un grand compte avec des centaines de cadres, et y’en a qu’un qui voudra la serrer, et pendant 6 mois il va faire des « approches maladroites ». Elle lui aura dit qu’elle est pas intéressée. Mais le mec a vu les Bronzés, et il se dit : “Allez, sur un malentendu, ça peut passer”.
Imaginez que vous défendez vos idées devant des gens plus séniors, des ingénieurs comme vous et que l’un d’entre eux réponde « C’est sympa ce que tu dis, j’aimerai bien que tu m’en reparles lors d’un déjeuner en tête à tête ». Ce n’est gênant que si vous êtes une femme dans une boîte d’homme. Sur le coup, il y aura pas de drame, « c’est pas DSK », mais je suis convaincu que la prochaine fois vous aurez moins envie de vous exprimer.
On peut pas se plaindre de la représentation des femmes dans le numérique et tolérer ce type de comportement. Effectivement elles sont sous représentées, et du coup elles s’orientent vers d’autres métiers. Et quand rarement y’en a une ou deux qui viennent dans cet industrie, elles trouvent un environnement hostile ?
Ce type de remarques rend notre communauté professionnelle hostile, acide envers elle et il faut admettre que l’on fait partie du problème.
Si tu es un homme et que tu as peur d’être maladroit, tu ne sais pas comment réagir, je te recommande de lire le précieux Nicolas Galita « Je suis blanc, je peux parler de racisme ? ». Tout ou partie est applicable dans ce contexte également.
Je fais partie du problème parce que la dernière fois qu’un mec, propriétaire d’appartements à St Quentin, a dit devant moi, à une femme qu’il connaissait à peine, dans un milieu pro « Ah désolé je te grimpe dessus », parce que son tabouret était coincé dans le sien : JE N’AI RIEN DIT.
Parce que la dernière fois que la Police m’a interpellé pour une altercation avec une automobiliste, il lui a dit « Les rétros c’est pas que pour ce maquiller » et j’ai encore rien dit.
Alors maintenant, je le dirai. « Je trouve ça inapproprié ». « Je ne cautionne pas du tout ». Je sors de la pièce, fin de l’échange.
Parce que clairement, quand on est deux, et que l’autre se comporte mal envers la 3e, si tu ne dis rien, tu cautionnes.
Et en fait, écrire cet article c’est un acte qui m’engage. Maintenant que je l’ai écrit, publiquement, je serais obligé de le faire. Parce que je suis consistent et cohérent. C’est ma démarche aujourd’hui.
Alors je dis pas que ça doit être le bagne, que l’on a tous pêché et que l’on doit se repentir pour les crimes de toute l’humanité. Et c’est vrai que « On paye pour tous les autres », « #NotAllMen », « Moi je suis pas un DSK non plus ». Juste c’est pas le moment pour s’exprimer de cette façon.
On va juste essayer de briller par notre exemplarité. Chaque jour, on va se demander si notre comportement fait partie de la solution ou du problème. On va faire attention. Et oui, on peut plus draguer au bureau. En fait, on a jamais vraiment pu. Ça a toujours été déplacé de dire à une de ses collègues que ce moment est délicieux. En fait, ça n’a jamais été une façon de draguer non plus. Au pire, c’est pas grave si on peut plus draguer au bureau. On peut mettre de côté notre vie amoureuse de 9h à 18h. Ensuite, on va au bar, on sort avec des amis, on fait un bowling, on t’inscrit à des cours de cuisine, bref ce que tout le monde fait pour rencontrer des gens.
Et on va faire ses devoirs et écouter. On va demander à nos collègues si elles ont entendu parler de l’article de Kayla ou d’Ubisoft. Si on se comporte bien, elles nous identifierons comme des personnes « Safe », des personnes qui font partie de la solution. Et à chaque fois, on fait progresser l’ensemble. Et ce que l’on fera c’est surement pas débattre de la terminologie du SMS du gars dans l’histoire (“C’est maladroit, c’est mignon, rolalah”). Juste, on écoute, activement.
Et on peut faire le Test de The Rock si on as un doute 🧙♀️
Forcément, ça marche dans plein d’autres contextes, pas que pour le numérique, pas que pour les femmes. J’imagine que certaines personnes peuvent se sentir exclues par leur handicap. Ou simplement par la langue : j’ai vu des wallons qui se sentaient exclus dans les entreprises flamandes. Et oui, en France, il y a beaucoup de boîtes où les juniors ne sont pas écoutés. Y’a sûrement des métiers et des industries plus durs que d’autre. Je pense à « directrice de chantier » dans le BTP. Si tu commences aujourd’hui à faire attention à tes homologues féminins, profites-en pour faire attention aux autres de manière générale.
Et non, je n’ai pas la réponse absolue, je partage mes intuitions ici.
Je veux travailler dans un lieu où tout le monde se sent estimé pour ses compétences professionnelles. Un milieu où tout le monde peut s’exprimer, donner ses idées, contribuer et s’épanouir. Parce que je pense que tout le monde peut apporter de la valeur, je ne pense pas que quelqu’un soit moins intelligent à cause de son genre ou de son apparence. Et clairement, les vieux commentaires de fête à la saucisse ça n’aide pas, on peut faire sans.
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