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Il faut pardonner la culture du blame pour y mettre fin. C’est ma tribune.

Mais attention, cela ne veut pas dire n’importe quoi.

La culture du blame c’est quoi ?

La culture du blame c’est pas le moment où tu fais git blame. Même si la commande t’invite à humilier ton collègue ensuite. C’est ce moment juste après.

C’est ce moment où tu as raté une opportunité d’aider un·e collègue.
C’est ce moment où tu as pas aidé ce·cette collègue à développer son estime de soi.
C’est ce moment où tu as fait la blague « ah c’est le stagiaire qui a mis en prod ».
C’est ce moment où tu as dénoncé haut et fort « C’est quoi ce code de merde ». Alors qu’il a été fait par de vrais humains dans un contexte différent, qui le justifiait. C’est ce qu’on appelle le Legacy.

Alors ne croyez pas que je sois différent.
Je me suis moqué du stagiaire parce qu’il savait pas ce que c’était une liste chainée.
J’ai insulté tout le code Legacy et ceux qui l’avaient fait en arrivant chez Ikomobi.
J’ai dit à mon client que le dev d’avant codait de manière obscure quand j’étais freelance

Pourquoi on fait ça ?

Parce que taper sur les informaticiens c’est une discipline Olympique

Les ordinateurs ne marchent pas, c’est à cause de l’informatique.
Word a planté, c’est à cause des informaticiens.
L’email n’est pas arrivé dans la boîte mail ? Les informaticiens sont quand même mauvais ici.
Même mon conseiller en assurance auto (quand j’appelle pour résilier), se permet de me dire que les informaticiens dans sa boîte sont claqués.

Et du coup, comme on se prend des baffes, on les repasse à nos collègues (le stagiaire le plus souvent) pour qu’elles nous effleurent. C’est moche.

Ajouter une pincée de Syndrome de l’imposteur

Taper sur les juniors c’est un sport national ici.

Parce qu’en fait, on ne sait pas à quel moment on n’est plus vraiment junior. On sait pas où se trouve la frontière.

Mais si on peut se permettre d’humilier les juniors. C’est qu’on est sénior.

Mais en vrai on ne fait que flatter son ego, rassurer son syndrome de l’imposteur aux dépens des autres.
Quand je vois quelqu’un qui pratique la culture du blame aujourd’hui, je me dis principalement que c’est une personne blessée ou qui manque de confiance en soi.

Déjà parce qu’on arrive, on nous baptise comme ça.

En TD, le prof d’info te laisse sur ton erreur de compilation, parce qu’il faut que « tu te la manges » pour bien la retenir. Et du coup tu vas faire en sorte que tous les autres dans la classe « se la mangent » aussi.
Quand je suis arrivé à mon premier stage, on m’a démonté ma chaise, je suis tombé. Mes collègues ont fait des stories instagram « Vendredi, blague de stagiaire ». Et je suis parti la semaine d’après, personne n’a pensé que c’était lié.
Sur mon stage PFE, quand j’ai demandé à utiliser Git, on m’a demandé pourquoi, j’ai répondu « SVN c’est de la merde », et j’ai eu le droit à, sur le même niveau : « Tous mes consultants utilisent SVNs depuis 10 ans, si tu y arrives pas c’est juste que tu es mauvais ». C’était le premier jour du stage yes.

À partir de là, on a les deux pieds et les deux mains dedans. Mon comportement invite à me blâmer si je fais une erreur parce que j’ai annoncé que j’en ferais autant, plus ou moins malgré moi.

Et on en arrive au point que je voulais amener au début. Quel comportement adopter ?

Pourquoi il faut pardonner ?

Déjà parce que je ne peux pas changer le comportement des autres, je ne peux changer que mon propre comportement.

Et si l’inverse de la culture du blame, c’est une culture où faire des erreurs est accepté, où l’on peut demander de l’aide. Alors, il faut accepter qu’un comportement relevant de la culture du blame soit une erreur.

Cela ne veut pas dire que l’on doit l’accepter, que l’on doit laisser faire. Les erreurs sont des erreurs, et on doit les reconnaître. Mais pour autant je ne suis pas en colère, je n’ai pas de ressentiment envers celui qui l’a commise. Et je suis disposé à l’aider. C’est ça pardonner.

Antagoniser les gens ça ne les change pas de toute façon.

Peut-on tout pardonner pour autant ?

Alors il ne faudrait pas que cela devienne une justification pour le mauvais comportement des autres. Si vous êtes en train de brimer vos stagiaires, c’est répréhensible par la loi, c’est prudhommal. Et ça ne veut pas dire que votre culture d’entreprise est toxique pour autant. C’est le fait que personne n’ose rien dire, ou que tout le monde trouve ça normal qui indique que la culture d’entreprise est claquée au sol.

Si vous dites toutes les semaines à votre collègue que son travail c’est de la merde, et qui plus est sans l’aider, c’est du harcèlement moral ou managérial. Et c’est aussi condamnable.

Et je vous parle même pas des comportements prédateurs ou racistes qui sont clairement hors de propos.

Mais alors pourquoi tout le monde n’est pas gentil ?

C’est vrai que si on parle de féminisme, certaines personnes adoptent la misandrie. Et je ne suis pas en train de dire que c’est une mauvaise idée.

Moi je comprends aussi complètement, qu’une personne soit saoulée, qu’elle ait été blessée. Si vous avez été harcelé au boulot, vous devenez misanthrope, ce n’est pas hors de propos.

Il faut accepter ça aussi !

Corollaire : il n’y a pas de personnes toxiques ?

Je ne pense pas qu’il y ait de personnes toxiques, que des comportements toxiques. Et comme le dit le grand sage Topçu, il faut laisser la possibilité aux autres de changer (je paraphrase).

Alors je ne sais pas si les gens peuvent changer, mais en tout cas, ils peuvent changer de comportement. Ils peuvent abandonner un comportement, en particulier si celui-ci ne leur permet pas d’obtenir le résultat attendu.

On a pu dire récemment que je dénonçais des personnes toxiques, comme si je faisais une chasse, non pas aux hommes blancs de plus de 40 ans, mais aux sorcières. Et c’est clairement que j’ai échoué à faire passer mon message. D’où ma tribune.

Prenez soin de vous ! C’est plus important que le projet, le bureau, tout ça. Des jobs on en aura plusieurs, une santé psy et pro, on en a qu’une.

Damien Cavaillès

Auteur Damien Cavaillès

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