Elle a été conçue à une autre époque. Une ère industrielle, avec une forte croissance qu’était celle des 30 glorieuses. Un pays qui avait tout à reconstruire après la seconde guerre mondiale. Une culture où les salariés, que l’on appelait alors « le prolétariat », avaient profité de la prospérité économique pour gagner des acquis sociaux. Ces acquis réduisant leur précarité, réduisent aussi la flexibilité de l’emploi. Si la situation économique est prospère, ce n’est pas un problème. Tant qu’il y a de la croissance, l’absence de flexibilité du travail n’est pas un problème.
Sauf qu’on est en 2016. La classe moyenne ne travaille plus à l’usine, on bouge vers les services. 31000 ingénieurs rejoignent le marché chaque année. Et leurs bouchers réclament 9000 ingénieurs de plus par an afin de pouvoir encore réduire leurs salaires. Il y a 4% de chômage chez les ingénieurs et on nous dit qu’il faut investir 60M en formation pour en sortir 9000 de plus. En 2015 un ingénieur, en province, gagne 1800€ par mois. Un ouvrier chez Renault en gagne 2000 s’il a de bonnes qualifications. On a des PMEs où tout le monde a le statut cadre. Notre pays est couvert d’entreprises, mais ce ne sont plus des milliers d’usines. Nos usines ne créent même plus des emplois à la chaîne. On parle des robots qui vont voler nos jobs. Reveillez-vous ! Les usines ont réduit leurs masse salariale et installé des machine-outils pour remplacer tout ça. Aujourd’hui dans une usine, un « ouvrier » a une formation BTS et est « Conducteur d’installation ». On a plus 2000 prolétaires alignés sur un tapis roulant à faire le même mouvement toute la journée.
En même temps, c’était des jobs pénibles ! Oui, on veut des jeunes plus qualifiés, des emplois moins pénibles. Donc on mécanise l’industrie et on va travailler dans le service. C’est le mouvement de notre société.
A rigidifier l’emploi, on en arrive à des situations catastrophiques. Plutôt que de supprimer un emploi quand ça ne va pas bien et de le recréer quand ça va mieux, on attend que la situation soit catastrophique et on supprime des emplois en quantité.
Aujourd’hui, quand on créé des entreprises et on innove, on veut pouvoir tenter des trucs. On veut pouvoir se lancer dans une direction et y croire. On veut embaucher 15 personnes en se disant que dans 3 mois on aura peut-être pas de quoi les payer et avancer. Sauf que si ça se passe mal, tu te retrouves avec 15 prud’hommes derrière à gérer (voir l’histoire d’Alain Mevellec sur FrenchWeb). Du coup, on tente pas. On innove pas. On attend que le CAC40 innove.
Dans les premières années de ta vie, le CDI te permet de signer un bail locatif, de faire un emprunt de 10K€ pour acheter ta première voiture.
Si tu décides de continuer dans cette direction, tu vas découvrir le bonheur de rajouter une ligne de -150K€ sur tes comptes. C’est l’emprunt immobilier pour ton premier achat. Globalement aujourd’hui, ta situation financière te dit que tu es plus endetté qu’un restaurant et tu te retrouves prisonnier de ton salaire. Chouette vie !
A coté de ça, tu peux te mettre en freelance. La rigidité et la garantie du CDI a un prix. Tu ne t’en rends pas compte aujourd’hui, mais en acceptant la sécurité de l’emploi du CDI, tu viens d’abandonner une quantité de rémunération non négligeable.
Un employé qualifié, développeur, consultant, formateur, se rend compte aujourd’hui que s’il se mettait à son compte, il gagnerait 2 à 3 fois plus.
Les Français citent les États-Unis en disant que 50% des américains sont freelances aujourd’hui. Attention ! Aux Etats-Unis, le freelance n’est que l’absence de contrat de travail. Mais quand on a un Job aux US, on gagne mieux sa vie qu’en Freelance, généralement 2 à 3 fois plus. Et c’est pour ça qu’on prend un Job, c’est pour mieux gagner sa vie. Et ce job est mieux payé que le freelance parce qu’il n’a pas la sécurité de l’emploi que t’apporte le CDI.
Du coup, ça veut dire quoi travailler avec un CDI en France ?
Ca veut dire, je gagnerai bien deux fois moins pour avoir la sécurité de l’emploi.
Du coup, en fait, une Factory va mettre un ticket d’entrée « On peut pas marger sur un projet de moins de 25K€ », parce que « On a des coûts de structure », c’est nécessaire pour « faire du code de qualité ». Okay !
Mais au final, un Factory essaye surtout de factoriser le code. Et ça ne marche pas. Le code, il faut le maintenir une fois sur chaque client, ça va nul part.
Personne ne représente les Freelances. Les salariés ont des syndicats. Les patrons aussi. Mais les Freelances, en fait on s’en fout. On s’en fout de la Loi El Khomri. On s’en fout du trou de la Sécu, on a jamais compris comment se faire rembourser par le RSI. On s’en tape du chômage, on en aura pas. On s’en fout des prud’hommes.
Y’a des gens qui parlent pour nous. Des gens salariés qui nous disent « attention à la relation de subordination quand t’es auto-entrepreneur ». Mais tu crois quoi ? Un client c’est pire qu’un patron. Si le salarié est l’esclave de son employeur, le freelance est l’esclave des ses clients. Et le patron est l’esclave des ses investisseurs. On est tous subordonné à quelque-chose.
Le Medef devrait nous représenter ? Probablement. Mais nous on se reconnait pas comme des patrons.
On se reconnait comme des travailleurs. Des travailleurs qui en ont rien a foutre du CDI-Metro-Boulot. On veut voyager, aller passer 3 semaines à Amsterdam et continuer notre presta. On veut faire le tour du monde en prenant des petits contrats. On désire coder sur un bateau au soleil l’été. On apprécierait bien coder au chaud au chalet en février. On souhaite aller faire de la planche à voile à 16h parce qu’il fait beau. On aimerait aller se faire une rando en forêt pour s’aérer à 14h. (Ces deux derniers exemples ont été vraiment mentionnés par des développeurs avec qui nous travaillons !)
On veut avoir la liberté de bosser 2 fois moins et de gagner autant que si on avait un CDI.
Aujourd’hui, les mentalités changent. Un Freelance qui a deux-trois ans de bouteille, il signe un emprunt immobilier sans problème. Il dit à son banquier « Je suis chef d’entreprise et je fais 120K€ de CA par an ». Le banquier voit son compte pro, il sait que c’est vrai et lâche l’emprunt.
On a rejeté en bloc, comme des barbares, une législation du travail qui nous sur-protégeait et nous étouffait. Pour ça, on créé des micro-entreprises. Ça nous libère et nous autorise à travailler autrement. On a créé nos emplois. Nous sommes entrepreneurs de notre vie. Alors que tu tentes de « manager ta carrière » au sein de ce grand groupe, nous avons pris le large. Notre entreprise et un voilier sur un océan bleu. Parfois on traverse un orage, mais on a l’habitude et ça fait parti du jeu. Parfois, on atterrit dans un décor magnifique un peu par hasard. On laisse place à la sérendipité. Tel des pirates, de temps en temps on se rapproche du continent et on pille une côte. On repart avec les vivres et le trésor.
Le monde a changé et nous n’avons pas attendu.
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