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CEO et informaticienne : la double peine

Je m’appelle Assitan Koné, je suis la fondatrice et Présidente de Codistwa et je suis Martiniquaise. Je suis développeuse web depuis 2014 et je me suis formée à l’IA en 2020. J’ai également été diplômée en arts numériques. CEO et informaticienne, je vais vous parler des difficultés que j’ai rencontrées !

CEO et informaticienne : la double peine

Seulement 15 % des chefs d’entreprise de 20 personnes ou plus sont des femmes. Uniquement 20 % des ingénieurs et cadres d’études, recherche et développement en informatique sont des femmes. Seulement 17,9 % de personnalités féminines dans la presse.

Je commence avec ces chiffres, car ils permettent de voir d’emblée que les femmes sont sous-représentées, notamment dans les postes qui sont les mieux payés.

Vous me direz que tout le monde le sait, mais en cette journée internationale des droits des femmes, il est pertinent de le rappeler. J’ai l’impression que j’ai l’art de m’immiscer dans ces domaines où il y a peu de femmes. Tout commence en 2002 (ou 2003). En tout cas, il y a environ 20 ans. En effet, quand j’étais au collège, je participais à des tournois d’échecs. Et une année, je suis arrivée dans le top 10 du Championnat féminin de Martinique. J’étais tellement fière de moi. Il a fallu que je joue contre des filles comme moi afin d’avoir plus confiance en mes capacités et oser attaquer. Sans le savoir, je faisais déjà partie des personnes sous-représentées. Il y avait une équipe qui gagnait tout le temps, et il n’y avait aucune fille dans leur équipe.

En 2022, une Martiniquaise de 12 ans est devenue la championne de l’Union européenne d’échecs. Tout n’est donc pas perdu.
Si vous n’avez pas regardé “The Queen’s Gambit”, je vous conseille vivement cette série. J’ai retrouvé le frisson des tournois en la regardant, et je me suis véritablement rendue compte du faible nombre de filles et de femmes dans ces compétitions.

La difficulté d’être fondatrice de start-up

Quand j’ai commencé à m’intéresser au monde des startups, j’avais lu que certaines fondatrices avaient pris un associé homme uniquement afin d’être prise au sérieux devant les investisseurs. Et que le nombre de femmes qui réussissent à lever des fonds est incroyablement bas, deux fois moins que les hommes. Cela m’avait tellement déprimé que j’avais repoussé mon projet.

Pourtant, des femmes entrepreneures, il y en a à la pelle. En Martinique, j’en connais beaucoup, dont ma mère. Elle a repris la bijouterie de mon père avec qui elle a travaillé pendant plusieurs décennies.
Ces mêmes femmes qui bien souvent subissent la charge mentale à la maison et qui font du travail domestique non rémunéré. Pourquoi refuser d’investir dans leurs entreprises ? Elles ne sont pas prises au sérieux alors qu’elles sont compétentes. Lors d’un salon de la CCI du 93 sur l’entrepreneuriat au féminin, une avocate qui était dans l’assemblée a témoigné. Malgré son business plan en béton, et surtout son expérience en tant qu’avocate et patronne de son propre cabinet, elle a été infantilisée et rabaissée par le banquier. Cette expérience traumatisante l’a empêché de réitérer l’expérience.
Évidemment que nous, femmes entrepreneures, avons de l’ambition. Créer une entreprise est tout sauf une promenade de santé. Pourquoi s’imposer le stress, les hauts et les bas, le doute si l’on n’a pas d’ambition ?
Non, c’est surtout que nous ne sommes pas prises au sérieux. Je le redis pour la troisième fois, car c’est exactement le problème. Je vais encore parler de ma mère, parce qu’elle me parle de tous les obstacles qu’elle subit quotidiennement en tant que dirigeante.
Quand par exemple certaine•s cliente•s pensent qu’elle n’est pas capable de leur donner la valeur d’un bijou qu’ils souhaitent vendre. Tout ce qu’ils veulent, c’est de parler à un homme. Quand elle leur dit qu’elle la patronne, iels sont étonnée•s. Le pire, c’est que beaucoup de femmes ont ce comportement, cette misogynie internalisée.
Nous devons faire preuve de résilience devant tant d’injustices.

La difficulté d’être ingénieure informatique

Je vais être très précise concernant la tech. Car travailler dans la tech ne signifie pas forcément être ingénieure informatique. Evidemment, il est important de parler de place de la femme dans la tech qui est encore trop faible. Mais je veux aujourd’hui parler de mon domaine de compétences, l’informatique, où les femmes en France sont environ 20 %.
Je n’ai pas toujours voulu être développeuse web. Non, je ne bidouillais pas les ordinateurs à 12 ans dans le garage de mes parents. Par contre, lorsque j’ai eu mon premier ordinateur à 16 ans, j’étais absolument fan. Je le dis, car je connais des personnes qui détestent travailler sur un ordinateur. Au lycée, je passais mon temps dessus et j’ai appris à le “webdesign” en changeant le design de mon blog skyblog.
Pourtant, je ne savais pas que l’on pouvait faire son métier, je ne connaissais absolument pas le métier d’ingénieur en informatique. Et quand ma professeure de mathématiques m’a encouragée vers le domaine scientifique, j’étais horrifiée, car j’imaginais des personnes qui sont aux antipodes de moi. Les clichés et stéréotypes étaient déjà bien ancrés.
Comment suis-je alors arrivée dans l’informatique ? J’ai au fur et à mesure dirigé mes études d’arts plastiques dans le numérique, car j’ai commencé à en voir le potentiel. Nous avons commencé à étudier les designs des sites web, j’ai découvert le code. J’ai appris JavaScript seule en 2012, puis j’ai été diplômée en tant que développeuse “fullstack”.
Ma carrière n’a pas été un long fleuve tranquille, mais c’était particulièrement dur lorsque j’ai commencé à avoir cinq ans d’expérience.

Cela fut ma pire et dernière année en tant que salariée. Le syndrome de l’imposteur avait commencé à m’envahir. Je sentais qu’il y avait de nombreuses attentes, car je coutais plus cher. La pression a été dure et j’ai craqué plusieurs fois.
J’étais arrivée au même stade que de nombreuses femmes dans l’informatique. En effet, 40 % des femmes quittent d’ailleurs leur métier dans l’informatique après 10 ans dans ce secteur.

Quelles sont les solutions ?

Il se trouve que c’est une femme qui m’a appris à jouer aux échecs lorsque j’étais enfant, dans le club de la ville.
Mes premiers talks ont été faits dans un environnement inclusif. J’ai développé ma start-up à l’aide d’un incubateur féminin, j’ai gagné un concours pour les personnes éloignées du monde des start-ups.
Afin de trouver ma place, je demande de l’aide aux réseaux qui ont envie de me mettre en avant. Ce n’est pas la solution ultime et je ne pense pas qu’il y ait une seule solution. Mais multiplier les initiatives permettant de réussir nos projets, nos carrières, discuter en femmes, pouvoir s’exprimer librement, cela est déjà un bon début.

Je suis la CEO d’une start-up d’Edtech et je suis informaticienne. Je suis extrêmement fière de mon parcours, j’aime ce que je fais, et j’espère continuer longtemps.


Merci à Assitan pour cet article sur ses difficultés rencontrées en tant que femme CEO et informaticienne dans le monde de la tech.

Pour parler de ses engagements et également de sa start-up, on. vous donne rendez-vous mercredi 29 mars pour un live 🙏🏼

Assitan Koné

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