Douglas Engelbart
Imaginez un monde sans souris, sans liens cliquables, sans travail collaboratif en ligne, sans copier-coller. Un monde où les ordinateurs sont des machines à calculer réservées aux militaires et aux scientifiques, où « travailler à distance » relève de la science-fiction. Bienvenue en 1968, juste avant que Douglas Engelbart ne monte sur scène à San Francisco pour 90 minutes qui vont révolutionner l’humanité.
Ce 9 décembre-là, devant 1 000 informaticiens médusés, pour la première fois, on voit un ordinateur utilisé pour communiquer, collaborer, créer – et pas seulement pour cruncher des nombres. Engelbart y déploie une liste d’inventions qui vont devenir les piliers de notre ère numérique : la souris, l’hypertexte, les fenêtres multiples, le traitement de texte, et même un ancêtre de la visioconférence et de l’email.
Pourtant, aujourd’hui, alors que vous scrollez cet article avec votre souris (ou votre trackpad, soyons modernes), combien d’entre vous connaissent Douglas Engelbart ? Pourquoi ce génie, qui a littéralement inventé l’ordinateur personnel tel qu’on le connaît, est-il moins célèbre que Steve Jobs ou Bill Gates ? Pourquoi la Silicon Valley, qui lui doit tout, l’a-t-elle si vite oublié ?
Plongeons dans l’histoire de l’homme qui a imaginé notre futur… et que l’Histoire a presque effacé.
Douglas Carl Engelbart naît en 1925 dans une ferme de l’Oregon. Jeune, il bricole des radios, lit des bandes dessinées de science-fiction, et rêve de rendre le monde meilleur grâce à la technologie.
« Et si les ordinateurs pouvaient aider les humains à résoudre leurs problèmes les plus complexes ? »
En 1957, il rejoint le Stanford Research Institute (SRI) et fonde en 1959 l’Augmentation Research Center (ARC). Son objectif ? Créer des outils pour « augmenter l’intellect humain » – une idée radicale à une époque où les ordinateurs sont des monstres réservés aux calculs balistiques.
Le premier prototype de souris, en bois, conçu par Bill English d’après les croquis d’Engelbart. Source : SRI
En 1964, Engelbart et son équipe inventent un drôle de boîtier en bois avec deux roues métalliques : le premier prototype de souris. Le brevet, déposé en 1967, décrit un « X-Y Position Indicator for a Display System » – un truc pour pointer et cliquer sur un écran. « SRI a breveté la souris, mais ils n’avaient aucune idée de sa valeur », racontera-t-il plus tard.
👉Résultat : le brevet est vendu 40 000 $ à Apple dans les années 1980. Engelbart, lui, ne touchera jamais un centime de royalties.😯
À l’ARC, Engelbart et son équipe développent :
En plein Guerre froide, alors que les ordinateurs servent surtout à calculer des trajectoires de missiles, Engelbart, lui, rêve de paix et de collaboration mondiale.
Nous sommes à la Fall Joint Computer Conference à San Francisco. Engelbart, stressé comme jamais, s’apprête à présenter NLS devant 1 000 informaticiens. Parmi eux : Alan Kay (futur papa du langage Smalltalk et des interfaces graphiques chez Xerox PARC) et Bob Taylor (qui lancera plus tard le centre de recherche PARC). « J’avais peur que tout plante », avouera Engelbart.
Pendant 90 minutes, Engelbart et son équipe démontrent en direct :
✅ La souris : le public découvre ce drôle d’objet qui permet de bouger un curseur à l’écran.
✅ L’hypertexte : on clique sur un mot pour sauter vers un autre document (comme un lien web, mais 20 ans avant le World Wide Web).
✅ Le travail collaboratif : Engelbart et un collègue à 50 km de là éditent le même texte en temps réel – la naissance de Google Docs, en 1968.
✅ Les fenêtres : plusieurs documents ouverts en même temps (oui, comme sur votre Mac ou PC aujourd’hui).
✅ La visioconférence : Engelbart discute avec son équipe via une caméra, une première.
Le clou du spectacle ? Deux curseurs qui bougent en même temps à l’écran – Engelbart et son collègue Bill Paxton travaillent sur le même fichier.
À ce moment-là, le travail collaboratif en ligne est né.
👉 Regardez la vidéo complète de la démo (remasterisée) – et dites-vous que tout ce que vous faites aujourd’hui sur un ordinateur était déjà là, en 1968.
Alors que Jobs et Gates deviennent des milliardaires, Engelbart, lui, reste un chercheur modeste. Pourquoi ?
Engelbart ne voulait pas juste inventer des gadgets. Il croyait que la tech pouvait :
🔹 Résoudre les grands problèmes (climat, pauvreté, éducation).
🔹 Augmenter notre intelligence collective, pas juste notre productivité.
🔹 Rapprocher les gens, pas les enfermer dans des bulles algorithmiques.
« Son plus grand regret ? Que la Silicon Valley ait oublié sa vision humaniste pour courir après le profit », explique sa fille Christina, cofondatrice du Doug Engelbart Institute.
« Engelbart était un prophète. Le problème, c’est que personne ne l’a écouté à temps », écrit le MIT Technology Review.
Douglas Engelbart n’a pas fondé d’empire. Il n’a pas accumulé des milliards. Mais sans lui, votre ordinateur, votre smartphone, votre façon de travailler n’existeraient pas. Alors la prochaine fois que vous cliquerez sur un lien, que vous copierez-collez un texte ou que vous partagerez un Google Doc, souvenez-vous : c’est lui, le vrai génie derrière tout ça.
« La technologie n’est qu’un outil. Ce qui compte, c’est ce qu’on en fait », disait-il.
En 2025, alors que la tech est souvent critiquée pour ses dérives, son message est plus actuel que jamais. À l’ère des réseaux sociaux, des algorithmes et du télétravail, la philosophie d’Engelbart résonne plus que jamais :
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